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Recours entre constructeurs : revirement de jurisprudence délais de prescription

Recours entre constructeurs – Revirement de jurisprudence s’agissant du point de départ du délai de prescription (Civ. 3ème 14 décembre 2022, n°21-21.305)

Par son arrêt du 16 janvier 2020 (Civ.3ème, 16 janvier 2020, n°18-25915), la Cour de Cassation avait décidé que les recours entre constructeurs obéissaient à la prescription prévue à l’article 2224 du code civil soit un délai de 5 ans à compter « du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. ».

L’arrêt précisait que l’assignation en référé aux fins de désignation d’un expert pouvait constituer le point de départ du délai de prescription.

Cette position qui a été réitérée à plusieurs reprises pouvait être critiquée pour son caractère artificiel mais présentait le mérite de donner une définition claire et unifiée de la notion de connaissance des faits permettant d’exercer le droit.

La Cour de Cassation dans son arrêt rendu le 14 décembre dernier modifie son approche en considérant que « l’assignation, si elle n’est pas accompagnée d’une demande de reconnaissance d’un droit, ne serait-ce que par provision, ne peut faire courir la prescription de l’action du constructeur tendant à être garanti de condamnations en nature ou par équivalent ou à obtenir le remboursement de sommes mises à sa charge en vertu de condamnations ultérieures. »

Ainsi, l’assignation aux seules fins de désignation d’un expert n’a pas pour effet de faire courir le délai de prescription.

Il est notable que la Cour de Cassation exprime les éléments de motivation qui ont été pris en compte et notamment :

  • l’impossibilité de sanctionner une partie qui n’a pas été recherchée en responsabilité puisque « Le constructeur ne pouvant agir en garantie avant d’être lui-même assigné aux fins de paiement ou d’exécution de l’obligation en nature, il ne peut être considéré comme inactif ».
  • la volonté d’éviter des procédures qui ne seront pas nécessairement suivies d’effet : « La multiplication de ces recours préventifs, qui nuit à une bonne administration de la justice conduit la Cour à modifier sa jurisprudence. »

La volonté de pédagogie est méritoire. Mais on peut s’étonner que ces motifs justifient de revoir l’interprétation du texte.
On précisera que la Cour de Cassation semble reconnaitre que l’assignation en référé tendant à une condamnation provisionnelle peut constituer le point de départ du délai de prescription. Or le caractère provisoire des ordonnances de référés (comme l’encadrement de la compétence du juge des référés) ne permet pas de considérer qu’elles vaudront reconnaissance d’un droit.
Dans la pratique l’expiration du délai de prescription peut être retardé de plusieurs années, le constructeur restant exposé à recours.

Article publié le 26 Décembre 2022, écrit par Antoine Sillard, avocat associé, SVA Avocats.